lundi 14 février 2011

Nahla Ben Amor, une compétence mondialement reconnue dans l’intelligence artificielle

Nahla Ben Amor, une compétence mondialement reconnue dans l’intelligence artificielle

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2011-02-07

Nous l'avons rencontrée suite à son obtention du trophée de talent émergent par Thomson Reuters en décembre dernier. Ce prix récompense 11 jeunes chercheurs tunisiens qui se sont distingués de par le nombre de leurs publications scientifiques internationales, dans leurs domaines d’expertise respectifs. Parmi eux, deux femmes dont Nahla Ben Amor, Maître de Conférences en Informatique de Gestion à l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis. Nous nous attendions alors à rencontrer un rat de l’informatique mal dans sa peau et qui ne s’épanouit qu’accompagné de sa souris mais nous sommes surpris de retrouver une jeune femme pleine de vie, mère de trois petites filles qui navigue avec bonheur entre ses activités professionnelles et familiales.

Originaire de Ksibet El Mediouni, Nahla Ben Amor a effectué ses études secondaires au lycée Menzah VI. N’ayant axé ses efforts que sur les matières qu’elle affectionnait particulièrement, elle ne réussit que moyennement son Bac. A l’époque, elle n’avait pas encore une idée précise de son métier d’avenir, hésitant entre des possibilités aussi éclectiques que médecine, agronomie, informatique et beaux-arts. Ce fût l’informatique de gestion à l’ISG, « mais si cela avait été autre chose, je l’aurais réussi tout aussi bien. Quand j’ai un travail à faire, je le respecte », dit-elle. Et la voilà partie pour un parcours en accéléré qui devait la mener de son DEA en modélisation et informatique de gestion obtenu en 1998 à la maîtrise de Conférence en 2007 en passant par son Doctorat en Gestion soutenu en 2002. Pourtant, ce cheminement n’a pas été de tout repos et Nahla a souvent été accusée de vouloir brûler les étapes, d’être encore jeune dans un domaine, la recherche, où le talent doit souvent attendre le nombre des années. Elle repassera pour cela tous les concours auxquels elle postulera, deux fois !

Pas assez pour entamer son optimisme, une seconde nature, et sa modestie. « Lorsqu’on m’a appelé pour m’annoncer que j’avais eu le prix, j’ai été étonnée. D’abord, parce que je n’ai jamais travaillé pour avoir des distinctions et puis je pense que d’autres collègues sont autant, sinon plus, méritants que moi et que dans la recherche, d’une manière générale, on est très peu habitués aux distinctions ». Le ton est donné dans ce bureau sommaire aux équipements minimalistes de l’ISG de Tunis, « c’est celui de mon patron, Khaled Mellouli», précise Nahla. Elle enchaîne pour nous parler justement du rôle de mentor du Professeur Mellouli, son directeur de thèse, qui « nous a appris à être autonomes, à aimer ce que l’on faisait, à dire ce que l’on pensait et ne nous a jamais fait de faveurs.».

Un produit 100% tunisien

Nahla Ben Amor est aussi fière de nous rappeler qu’elle est un produit 100% tunisien. Toujours modeste, elle attribue sa réussite à sa discipline très particulière, l’informatique de gestion qui, du fait qu’elle se trouve à cheval entre deux domaines, l’informatique et la gestion, ne compte pas beaucoup de laboratoires de recherche dans le monde. Elle ajoute : « il n’y a pas besoin de gros investissements en équipements et produits, juste un ordinateur et un cerveau. Et puis, nous avons eu la chance, durant notre DEA, de bénéficier de l’expérience de plusieurs professeurs invités parce qu’il y avait peu de spécialistes d’informatique de gestion en Tunisie. Ainsi, ces mêmes professeurs dont le nom figurait sur les articles que l’on étudiait venaient nous enseigner, là, à l’ISG. Nous les sentions donc proches, ce qui a renforcé notre confiance en nous-mêmes ».

Depuis, Nahla prend une part active dans la recherche de son domaine d’expertise, l’intelligence artificielle et les systèmes d’aide à la décision. Elle est de toutes les grandes conférences internationales, parvenant également, avec les membres de l’équipe du LARODEC (Laboratoire de recherche opérationnelle, de décision et de contrôle de processus) dont elle fait partie, à réaliser plusieurs projets de coopération internationale. Elle publie régulièrement dans les plus grandes revues et explique qu’elle doit cela à sa décision précoce de rédiger son mémoire de DEA en anglais, ce qui lui a permis d’acquérir une grande maîtrise de cette langue et lui a ouvert les portes des revues et colloques internationaux. Ces dernières années, elle fait même partie des comités scientifiques d’évaluation de grandes conférences internationales en intelligence artificielle et a été nommée reviewer pour plusieurs revues scientifiques de par le monde. Un succès qu’elle explique ainsi : « c’est difficile à croire mais je travaille tous les jours, je ne dis jamais non aux opportunités qui se présentent à moi et je ne m’arrête pas après chaque étape. Ainsi, j’ai commencé à travailler sur ma thèse le lendemain de l’obtention de mon DEA et sur mon habilitation le lendemain de la soutenance de ma thèse. Nous avons aussi une bonne émulation au sein du laboratoire. C’est important ! Je n’ai aucun complexe aussi. Je peux aller assister au cours d’un collègue si je sens que j’ai des lacunes à combler. Et puis j’ai l’appui de ma famille. Lorsque j’ai voulu participer à une Conférence internationale au Colorado alors que ma fille n’avait que deux mois, j’ai été soutenue par mon entourage. Matériellement aussi, ma famille m’a beaucoup aidé surtout au début. Et puis, un mari chercheur, cela aide aussi à comprendre les contraintes et les rythmes décalés de la vie universitaire».

A propos des conditions dans lesquelles exercent les chercheurs tunisiens, Nahla Ben Amor est lucide. « Cela n’a rien à voir avec ce qui existe en Occident. En Tunisie, vous devez travailler trois à quatre fois plus pour obtenir les mêmes résultats. Mais bon, c’est comme çà. Ou bien on va tous pleurer et dire qu’on n’a pas les moyens ou travailler davantage pour être au niveau mondial ».

Le temps passe vite aux côtés de cette jeune femme, une véritable boule de feu qui sait ce qu’elle veut et ce qu’il faut faire pour l’obtenir. Un dernier message peut-être qu’elle nous livre. La recherche est une vocation, un métier noble mais exigeant, ponctué de longues heures de labeur mais récompensé par ces quelques secondes où l’adrénaline monte lorsque vos pairs, à travers le monde, sans vous connaître, reconnaissent votre travail et considèrent vos travaux comme une contribution à la connaissance. Une satisfaction indescriptible qui dépasse toutes les autres …


Anissa BEN HASSINE




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Les Commentaires
jellali Noureddine 2011-02-13 18:52:07

Félicitations Mme Nahla.Votre réussite est la meilleure réponse aux sexistes et aux obscurantistes.

le petit poete 2011-02-12 11:59:47

Pourquoi l'avoir choisi elle au premier plan?, et les autres dans: "autres articles dans cette rubrique" ???.

Amine Farhat 2011-02-09 14:26:53

Dr. Nahla m'a enseigné durant mon cursus universitaire, j'en suis très fier, 1000 mabrouk "Madame".....Amine Farhat, Doctorant en Informatique à l'ISG de Tunis

MEMMI - YOUSSEF 2011-02-09 12:11:01

Je suis heureux de constater que LEADERS - et par voie de conséquence ses lecteurs - a compris que NAHLA BEN AMOR n'est pas seulement de l'Intelligence articficelle mais aussi de l'INTELLIGENCE NATURELLE.

gaha chiha 2011-02-09 10:13:41

Tu l'as bien dit Anissa, Nahla Ben Amor est une "jeune femme, une véritable boule de feu" . En tant qu'enseignant à l'ISG de Tunis, il m'arrive d'échanger avec elle et à chaque fois, je trouve en face de moi une collègue qui bouillonne d'idées et d'énergie. Audacieuse, franche et très directe, Ben amor m'étonne. Elle est aussi une chercheuse qui a de l'assurance et de la conviction. Informaticienne, pourtant elle entreprend tout avec son cœur; passionnée, tenace et ambitieuse tout lui paraît à la portée de sa main... Bref, c'est exactement, le genre de profit dont la Tunisie a besoin aujourd'hui: jeune, compétente, lucide et prêt à tout. Ca me fait vraiment plaisir d'avoir des collègues informaticiens comme Nahla, Elaouadi, Zribi, Sellami, Achour et j'en oublie beaucoup d'autres et je m'en excuse d'avance. Tous font aujourd'hui la notoriété de l'ISG.

Skandrani Leila 2011-02-09 09:14:27

Bravo Nahla et félicitations pour ce prix!! on savait déjà (ta promotion ISG 1995) que tu iras loin grâce à ton sérieux et ta persévérance. Bonne Chance pour la suite.

HANNAFI Marouane 2011-02-08 21:54:30

Félicitation Mme

vb student 2011-02-08 19:48:19

J'ai eu la chance de côtoyer Madame Ben amor en tant qu'étudiant . Bien que nous l'appelions par son petit nom (Madame Nahla ) à L'ISG , elle était pour nous le parcours du combattant indispensable pour être un commandos en IAG .Madame Nahla n'était pas un examen qu'on devait passer , ni des cours qu'on devait assimiler ,mais plutôt un paradigme , un savoir faire et être , une vision du monde qu'elle a essayé de nous la faire passer , une fabrique à homme et femme qui bâtiront la Tunisie . Félicitations ! même si nous poursuivions nos études à l'étranger , on regrettera surement vos séances irréprochables . Merci Madame , vous avez fait de nous des créateurs , des artistes plutôt que des exécuteurs , on se souviendra longtemps de vous .

BOURBIA 2011-02-08 17:47:41

Je suis Hamdi BOURBIA votre ancien étudiant à l'ISG, BRAVO Madame Ben Amor, toujours en excellence

Rihab Bouchlaghem 2011-02-08 15:13:43

Personnellement, je respecte Mme Nahla car c'est une enseignante de "haute gamme". Elle m'a étudié pendant deux ans à l'ISG, et elle m'a beaucoup appris. C'est un bon exemple à suivre. Je lui souhaite une bonne continuation.

Hamza 2011-02-08 13:19:56

Encore fière d'être tunisien, je lui souhaite un bonne continuation, sinon "un rat de l’informatique mal dans sa peau et qui ne s’épanouit qu’accompagné de sa souris" c'est un peu top exagéré, je suis informaticien et lorsque j'ai lu cette phrase, j'étais un peu déçu, si la majorité des personnes pensent que les informaticiens sont "des rats" ..., franchement, je dirai qu'on a beaucoup de travail à faire.

Bordel de merde!!!!

Vous n'osez pas en parler parce que ce sont les bordels qu'on ferme , vous ne voulez pas en parler car vous n'avez rien à voir avec ce monde , vous êtes toutes des femmes respectables et des filles de bonne famille!! Moi aussi je suis une DAME respectable, moi aussi je suis une fille de bonne famille , moi aussi je ne connais ce monde ni d’Ève ni d'Adam mais j'en parle !!
J'en parle avec une peur dans les tripes et un sentiment de révolte et d'indignation !!Vous savez pourquoi ?Parce qu'aujourd'hui, on a fermé trois ou quatre bordels en Tunisie, on a aussi fermé un bar à Kairouan , au nom de quoi? Au nom de l'islam et de la volonté du peuple !! Et on a laissé faire et personne n'a levé le petit doigt .Je n'ose même pas imaginer le traitement que l'on a infligé à ces femmes quand on les a chassées .Mais ce n'est pas ça le plus grave , le plus grave est à venir , car demain, on fermera les salles de cinéma, on fermera les salons de coiffure , on exigera la séparation des sexes dans les écoles et les lycées , on chassera les imams modérés qui ne tiennent pas le même discours de haine et de violence , et on finira par faire la loi du plus fort dans la rue !!!
Aujourd’hui , rares sont ceux et surtout celles qui dénoncent car personne ne veut se mettre dans la position de celui qui défend une prostituée ou un zabrat , mais ceux qui se taisent ne savent peut-être pas qu'en défendant le bordel, ils défendent la LIBERTÉ

dimanche 13 février 2011

Portrait :Majida Boulila


Militante tunisienne née Majida Baklouti,le 12 novembre 1931 et décédée le 4 septembre 1952 à Sfax.
Elle est une figure du mouvement national tunisien et symbole de la libération de la femme tunisienne à une époque où son pays est sous protectorat français et où la tradition confine la femme à un rôle subalterne.
Extirpée en pleine nuit de chez elle, elle est arrêtée par les autorités coloniales pour ses activités politiques au sein de la cellule du Rbat du Néo-Destour dans les faubourgs de Sfax.
Elle est ensuite placée en détention dans le camp pénitencier de Téboursouk alors qu'elle est enceinte de sa deuxième fille.
Arrivée au terme de sa grossesse, les autorités françaises décident de la transférer à l'hôpital régional de Sfax où elle succombe le 4 septembre 1952 à une hémorragie post-partum.
Aujourd’hui,une grande avenue de la ville de Sfax ainsi qu'un lycée( l'ancien lycée de jeune filles ) portent son nom. Par ailleurs , un club culturel régional, qui porte aussi son nom ,milite pour faire prévaloir les droits de la femme tunisienne à l'émancipation et au progrès.
Source :Wikipédia

mercredi 9 février 2011

L’amour au temps de la révolution !

Ça commence à apparaitre sur Twitter et sur Facebook. Beaucoup demandent de fêter la Saint Valentin cette année et de déclarer sa flamme à…La Tunisie

Lundi prochain, le 14 février, juste un mois jour pour jour depuis la fuite du ma5lou3, c’est aussi le rendez vous annuel des amoureux et des adeptes de la St Valentin. Chaque année, cette fête fait débat : des pour et des contre et des « mouch mte3na ! ».

Ceci dit cette année, Tous nous sommes amoureux…d’elle: on la défend, on lui demande pardon d’avoir douté d’elle. On lui jure qu’on a toujours eu d’yeux que pour elle mais que la peur nous éloignait d’elle. Ce grand amour était sous nos yeux mais on était aveugle.

On lui chante sa chanson préférée les larmes aux yeux et on lui promet de prendre soin d’elle et de la débarrasser de tous les maux qui la paralysait. On est parfois maladroit et on s’y prend très mal. Mais c’est difficile de contenir l’ardeur de la passion.

Nous sommes des amoureux pour la vie de cette Tunisie. Plus personne ne se mettra entre nous et ne nous empêchera de vivre notre histoire d’amour pleinement.

Pour la Saint Valentin, amoureux comme nous sommes, nous allons penser à un cadeau qui va lui faire plaisir et lui exprimer tout cet amour qui explose dans nos cœurs.
Qu’est ce qu’on peut lui offrir ??

Fidélité, loyauté mais surtout on stoppe les revendications personnelles et le chaos et on travaille dure pour qu’elle reprenne toute sa splendeur et qu’elle rayonne…sur nous tous

Tunisie je t’aime

vendredi 4 février 2011

Femmes célèbres de Tunisie

Ne m'étant jamais vraiment intéressée (je l'avoue bien humblement) à la position et à l'importance de la femme dans la société tunisienne à travers l'histoire, je ne pourrais et ne voudrais rivaliser avec des Tunisiennes de naissance dans ce domaine.

Depuis mon implantation dans ce pays, j'ai toujours vu les femmes tunisiennes des anciennes générations assez soumises à leurs maris, mais ayant légalement plus de droits (grâce au statut personnel instauré par Bourguiba) que la femme européenne, et ce au sens strict du droit (facilités pour le divorce, garde quasi automatique des enfants, droit au logement et à la pension alimentaire sans avoir à prouver quoi que ce soit, etc...)

J'étais, à mon arrivée, conditionnée par les "on-dits" et rumeurs des Européens quant à la condition féminine dans les pays musulmans, et par bon nombre d'idées fausses répandues par des gens qui n'avaient jamais mis un pied en Tunisie mais qui pourtant "savaient tout sur ce qui se passait ici" et m'ont dépeint un tableau des plus effrayant du sort qui m'attendait une fois mariée à un musulman. (Exemples d'affirmations de gens instruits et soi-disant bien informés: les femmes n'ont aucun droit là-bas, à part celui de servir leur mari; elles ne peuvent pas travailler, doivent sortir voilées, ne pas marcher à côté des hommes dans la rue; c'est une société faite et dirigées par les hommes: j'en passe et des meilleures........)
Bien sûr, il y avait heureusement des gens cultivés, plus ouverts et tolérants qui avaient contrebalancé ces affirmations.
Mais je dois admettre que, malgré tout, ce n'est pas sans une certaine angoisse que j'ai débarqué en Tunisie.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une société très diversifiée où les sexes, les races, les religions se mélangeaient et vivaient le plus souvent en harmonie, sans intolérance et dans le respect des croyances socio-culturelles de l'autre.
Une société, où, même dans les familles vivant de manière ancestrale, la femme sous des dehors assez soumis aux hommes de la famille, faisait quand même ce qu'elle voulait et ce qui lui plaisait!
On m'avait parlé de société purement patriarcale et je découvrais, au contraire, dans la majorité des familles que je fréquentais une société plutôt matriarcale où finalement c'était plus les femmes qui "dirigeaient" et prenaient les décisions tout en laissant croire aux hommes que c'étaient eux "les chefs".
J'arrête ici cette digression sur mon expérience personnelle pour en venir enfin au sujet principal de cet article: quelques femmes célèbres de l'histoire de la Tunisie.

Depuis la révolution et les dangers que peut faire courir aux femmes un recours à l'obscurantisme des extrémistes, j'ai fait quelques recherches et je vous livre ici quelques lignes sur l'importance de certaines femmes à travers l'histoire du pays. Je n'en ai évidemment choisi que quelques-unes parmi les très nombreux exemples que nous fournit l'Histoire ancienne ou contemporaine. Et je ne parlerai d'elle qu'en quelques lignes, n'ayant pas ici la prétention d'écrire des biographies.

Entre mythologie et légende, je commencerai par Didon (Elyssa) , Phénicienne ayant quitté sa ville d'origine (Tyr) et qui aurait fondé Carthage en 815 avant JC, en obtenant du seigneur local l'octroi d'une terre en bordure de mer, grâce au stratagème de la peau de bœuf.

Dans l'histoire ancienne, nous trouvons aussi la Kahena, figure emblématique de la guerrière berbère, issue de la tribu des Djeraya,: celle que l'on surnomme une des premières féministes d'Afrique du Nord.
En 686, elle prend la tête des tribus d' Afrique du Nord pour lutter contre les Omeyades et va régner sur l'Ifriqiya (territoire qui correspond à l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine) pendant 5 ans.

Je ne parlerai pas d'Aziza Othmana, grande figure féminine tunisienne également, sur qui un article a déjà été écrit dans ce blog.

Je passe maintenant à l'époque plus contemporaine et j'ai choisi quelques figures qui m'ont frappée par leur intelligence et leurs engagements dans la cause des femmes et du pays.

Nebiha BEN MILED (1919-2009) : infirmière et assistante sociale qui toute sa vie a été une grande militante indépendantiste et féministe et qui a fondé l'Union des femmes musulmanes.

Souhayr BELHASSEN, étudiante de Sciences Politiques à Tunis puis à Paris, journaliste et écrivain, grande militante des droits de l'homme et faisant partie de la Ligue tunisienne des droits de l'homme , et à ce titre, souvent fustigée par les dirigeants du pays.

Sophie BESSIS, issue d'une famille de la grande bourgeoisie juive tunisienne. Agrégée d'histoire, , elle a plusieurs cordes à son arc.
Elle a été rédactrice en chef de Jeune Afrique. Elle est aussi directrice à l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris, secrétaire adjointe du FIDH, elle enseigna à la Sorbonne et à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
Elle est aussi écrivain, auteure de plusieurs ouvrages (Habib Bourguiba, en 1988, Femmes du Maghreb en 1983, les Arabes, les femmes et la liberté en 2007, etc....)

Gisèle HALIMI. Née à la Goulette dans une famille juive traditionaliste, elle devient avocate et entre au barreau de Tunis en 1949 puis part à Paris.
Combattante acharnée de la lutte féministe, très engagée, elle lutte pour l'indépendance de la Tunisie et de l'Algérie.
A Paris, aux côtés de Simone de Beauvoir, elle fonde le mouvement féministe en 1971 et se bat pour la dépénalisation de l'avortement et le droit des femmes.
Elle écrit aussi de nombreux ouvrages (Cause des femmes en 1973, Le lait de l'oranger en 1988, la Kahina en 2006, Ne vous résignez jamais en 2009).

Nine MOATI. D'origine juive tunisienne, elle naît à paris en 1937 mais passe son enfance à Tunis.
A Paris, elle devient journaliste pour la radio, puis pour le magazine "Elle".
Elle écrit aussi de nombreux romans, traitant pour la plupart de la vie en Tunisie.
(Mon enfant, ma mère en 1974, l'Orientale en 1985 et son plus connu Les Belles de Tunis en 1983,......)

Voilà ma modeste contribution à ce blog "les Femmes de Tunisie".
Et j'espère que ces quelques exemples de "combattantes acharnées" du droit des femmes inciteront toutes les femmes tunisiennes actuelles à lutter pour garder leurs atouts et leur place prépondérante dans la société , et à se battre contre tous les obscurantismes.

jeudi 3 février 2011

La révolution ne doit pas passer à côté


La révolution!! Un très grand mot .Ce mot veut dire un changement total et radical et une coupure avec le passé. Une révolution doit aussi changer les moeurs , la façon de penser , la façon d'agir..
La route est encore longue devant nous , femmes , de faire changer les choses.
Je dis cela parce que les rapports homme femme, les rapports entre les époux , les rapports père-fille, ceux entre collègues de bureau , ont beaucoup à gagner de cette révolution. La misogynie dont nous souffrons tous les jours , et à tous les coins de rue n'a que trop duré !!Les comportements doivent changer et c'est à nous et seulement nous de le faire!!La révolution ne doit pas passer à côté des comportements machistes d'une large tranche d'hommes dans la société tunisienne nous devons construire une nouvelle société basée sur l'égalité des sexes et le respect mutuel!!

mercredi 2 février 2011

Pour une meilleur efficacité du fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce

Si j’écris pour la femme, çà ne serait guerre pour moi, ni pour maman, ni pour toi, chère lectrice. Je n’écris ni pour l’avocate, ni pour l’heureuse maman, ni pour la fille dorlotée à qui je souhaite un meilleur avenir. J’écris pour la femme qui ne lira jamais ce post.

J’écris pour celles qui n'ont même pas entendu parler du Code des statuts personnels et celles qui n'y croient plus. Je n'ai guerre le droit, ni l'intention, de décliner son immense rôle émancipateur, car sans ce Code, ni moi, ni ma mère, ni ma grand-mère ne serons ce que nous sommes. Mais que loin du Code, certaines mentalités restent ... de pierre, et des milliers de femmes craquent sous la misère.

Chaque fois que je pourrai, j'écrirai pour les braves femmes militantes, les femmes anonymes qui souffrent en silence et qui doivent désormais dévoiler les sparadrap de leurs plaies en vue de les guérir.

Maintenant que tout peut être dit, maintenant que tout est dit, ou presque, et sauf oubli, je lance une pierre à la CNSS en tant que fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce, caisse chargée d'octroyer la pension aux femmes et mères dont l'époux est négligeant, la caisse qui est sensée jouer un rôle important dans la survie de celles-ci et les empêche de sombrer dans des solutions de facilité dont la prostitution ou la mendicité, surtout que la majorité d'entre elles sont sans aucune ressource. Jusque-là, la caisse exige, parmi l'une des conditions sine qua non la présentation d'un procès-verbal déclarant que l'huissier notaire est dans l'impossibilité totale d'exécution sur les biens du père de famille négligeant (محضر عجز).


Logiquement, ce papier ne pose aucun problème. En pratique, oh! que beaucoup!
Pour qu'un huissier notaire arrive à émettre un P.V. d'impossibilité d'exécution, une série d'autres P.V. procède, le P.V. constatant le refus d'exécution volontaire, la demande de l'aide de la force de l'ordre du procureur, le P.V. d'information des forces de l'ordre, enfin, payer légalement les forces de l'ordre pour accompagner l'huissier notaire à réaliser ses travaux. Finalement, le P.V. de constatation de l'impossibilité d'exécution coute souvent aux alentours de 200 dt. Une mère nécessiteuse de l'intervention de la Caisse a-t-elle 200dt en main? surtout que les frais de huissiers ne seraient jamais remboursés.

La Caisse voudra des garanties, me dites-vous? Oui, c'est son plein droit, mais y'a-t-il une garantie plus probante qu'un jugement pénal incriminant le père négligeant et imposant une peine de prison pour non-paiement de pension, papier que la Caisse demande en parallèle et qui ne coute pas grand chose à la mère sauf porter plainte au procureur sur papier libre en plus des papiers signifiants sa situation.

Je ne vois pas ce qu'un P.V. d'huissier notaire vient rajouter à un jugement pénal sauf rendre la tâche difficile, limite impossible pour beaucoup de mères.

Si les femmes ayant un minimum de ressources et de niveau scolaire arrivent à bien se défendre des aléas de la vie et de l'injustice des maris encore trop machos et irresponsables (sinon comment qualifier un père qui laisse ses enfants dans la nécessité), il faut songer à bien protéger les mères démunies afin de leur garantir la dignité, et un peu plus d'équité et de justice sociale.



De Sfax à Tunis, le cri du peuple. Par NOURA BENSAAD Enseignante et écrivaine

MONDE 01/02/2011 À 00H00 (MISE À JOUR À 08H16)

De Sfax à Tunis, le cri du peuple


Je dédie ce texte à tous les jeunes, morts sacrifiés lors de la révolution tunisienne.

Sous mon pull mon cœur qui bat. Je marche. Au bout de l’avenue, mon amour m’attend. Elle est si belle, elle m’aime et me comprend.

Sous mon pull, mon cœur qui bat. Je la retrouve chaque jour, elle me confie tout de sa vie et moi, je lui parle de notre avenir. J’y crois, je veux y croire même si je sais que les obstacles sont nombreux qui barrent notre route. Comment ferons-nous, trouverons-nous du travail, me demande-t-elle souvent. D’autres sont là, autour de nous, de notre âge ou avec quelques années de plus, qui parlent souvent de la crise, du chômage, de la difficulté surtout d’obtenir un emploi. «Si tu n’as pas les épaules, aucune porte ne s’ouvrira» (1), voilà ce qu’ils disent tous. Et ils racontent leurs amis ou parents qui usent les chaises des cafés en attendant des jours meilleurs ou bien ceux qui, après de longues études, ont dû se résoudre à accepter d’être serveur ou chauffeur de taxi parce que rien d’autre ne s’offre à eux et qui ont rangé leurs diplômes dans un tiroir. Elle se serre contre moi, je caresse ses longs cheveux et je lui murmure : «Ma vie, je serai plus fort que le destin.»

Sous mon pull, mon cœur qui bat. Je marche. Dans la tête, une image fixe, celle d’un homme qui flambe, Bouazizi à Sidi Bouzid transformé en torche vivante pour obliger le monde à regarder horrifié et fasciné, son désespoir mué en un geste d’autodestruction. Tu brûles ou tu te fais brûler (2). Au bout de l’avenue, mon amour m’attend. Mon cœur s’enflamme pour elle. Je ne veux pas penser. Des voix s’élèvent, la rumeur devenue un cri d’indignation, là-bas ils ont tiré sur des manifestants pacifiques. Regarde, regarde sur Facebook les photos et les vidéos de tes frères que l’on assassine ! Dans ma tête une voix s’élève aussi, la mienne, que je tente d’étouffer. Je veux croire dans la force de notre avenir, la vie protège ceux qui s’aiment mais la peur et la haine sont là, en moi aussi maintenant.

Sous mon pull, mon cœur qui bat. Je marche. Je ne suis plus seul, avec moi et autour de moi, des dizaines puis des centaines de jeunes. Nous remontons l’avenue, celle qui porte ce si beau nom de «Liberté». Nous crions notre révolte, nous hurlons notre rage. Nous n’avons plus peur, l’âme de notre frère Bouazizi, mort il y a une semaine, s’est insufflée en nous. Le feu est la force de celui qui n’a plus que sa vie à donner pour protester. «Du pain, de l’eau, non à Ben Ali !», «O peuple tunisien, le pouvoir pille ton pays, il te vole ta dignité et ta liberté.» Devant nous, les BOP, les Brigades de l’ordre public, qui barrent le passage. Une force sauvage, une horde sombre armée de matraques et de bombes lacrymogènes. Nous avançons, le poing levé, seulement armés de cailloux et la bataille commence. Nous sommes le cri du peuple, partout il s’est levé et s’est répandu, Sidi Bouzid, Kasserine, Regueb, Thala d’abord puis Gafsa, Sfax, Kairouan, Sousse, Nabeul, Bizerte et maintenant Tunis. Nous lui redonnons sa force, celle de ne plus se taire, celle de se battre, mourir ne nous importe plus. Soudain, des tirs éclatent mais ce ne sont pas ceux des bombes lacrymogènes. Nous savons, oui nous savons que beaucoup de nos frères sont déjà tombés, dans d’autres villes.

Là-bas, au bout de l’avenue, mon amour m’attend, elle a confiance, je la rejoindrai, jamais je n’ai manqué un seul de nos rendez-vous. Elle doit entendre les cris et les tirs. J’arrive, n’aie pas peur, je trace pour nous le chemin de notre avenir. Mais une douleur me transperce et je sens que je tombe, l’avenue disparaît, je ne vois plus que les arbres puis le haut des immeubles immenses, dressés au-dessus de nous, puis le ciel, si bleu.

Sous mon pull, mon cœur qui…

Ecrit à Tunis, le 24 janvier 2011.

(1) «Avoir les épaules» est une expression tunisienne qui signifie avoir du piston.

(2) Jeu de mots à partir du terme Harga qui signifie à la fois brûler et émigrer de façon clandestine

Portrait :Aziza Othmana

Les programmes scolaires de ces dernières décennies ont tout fait pour cacher à nos enfants et à nos jeunes des pans entiers de notre histoire. Les manuels scolaires dans lesquels nos élèves étudient l'histoire de leur pays ont tendance à insister sur le fait que l'histoire de la Tunisie a commencé un certain 7 Novembre 1987
Des figures éminentes de notre patrimoine historique ont souvent été littéralement jetées aux oubliettes.
Je tente dans cette rubrique intitulée portrait, à sortir de sous les décombres et la poussière les portraits de femmes Tunisiennes qui ont vraiment mis leur vie au service de la Tunisie et qui ont marqué de leur empreinte la marche de l'histoire de ce pays .
Aujourd'hui , on commence par

mardi 1 février 2011

JACQUES SALOME : UNE PARTIE DE CE POURQUOI IL OEUVRE .... A LIRE A RELIRE A COMPRENDRE

Sa démarche

Elle est d'ordre pédagogique et éducatif, dans un processus de formation au changement et au développement personnel. Orientée non pas vers l'acquisition de savoirs faire mais vers l'appropriation et la mise en pratique de savoirs être et de savoirs devenir.

Elle ne vise pas à donner des conseils ou des recettes, mais à stimuler une réflexion, à favoriser une maturation, à susciter des prises de consciences et des positionnements clairs, à éveiller à une capacité d'être présent à l'autre et à soi-même et d'entrer dans la profondeur de l'échange.

Elle privilégie les langages de l'imaginaire et du symbolique, les registres du ressenti et du retentissement au détriment de celui des idées et du mental : au diable les pourquoi, les rationalisations et les justifications cérébrales !

Elle est basée sur l'expression personnelle :

- sur le parler JE,

- sur le non jugement,

- sur l'écoute respectueuse

- sur l'implication personnelle de l'écoutant.

Elle déconcerte parfois, comme la vie avec ses contradictions, ses antagonismes, ses paradoxes qui la rendent palpitante et intense. Là où nous attendons une docte réponse, nous sommes renvoyés à l'écoute de nos propres associations : derrière toute question se cache une autre interrogation à entendre, nous ne posons aucune question que nous ne puissions résoudre. Si nous ne connaissons que le mouvement oscillatoire des attitudes en tout ou rien, du réactionnel, nous découvrons la gamme variée des choix qu'offrent des positionnements inscrits dans le relationnel.

Enfin, quand nous croyons avoir déjà tout essayé, quand nous sommes convaincus que plus rien n'est possible, voilà que s'ouvre, au-delà du registre réaliste, le champ des démarches de restauration, de réparation et de responsabilisation : s'occuper d'un besoin ou d'un désir, dénoncer ou résilier un contrat passé avec celui ou celle que nous ne sommes plus, redéposer une mission ou restituer symboliquement des violences reçues par exemple. Car “le possible est juste un tout petit pas après l'impossible”.(“l'Enfant Bouddha”, Albin Michel 1992)

Alors cette démarche ouvre sur l'insoupçonné et laisse la place à la créativité propre à chacun(e).

JUSQU'A QUAND ?

Jusqu'à quand les doutes

Jusqu’à quand les incertitudes

Jusqu’à quand le terrorisme psychologique

Jusqu’à quand l’aveuglement de certains

Jusqu’à quand la paralysie mentale

Jusqu’à quand la paralysie tout court

On a prôné les dialogues

On a prôné la perte des anciens reflexes

On a prôné la solidarité

On a prôné la liberté

On a prôné la patience

On a prôné la non violence

Desormais chacun fera face à sa conscience

Sa conscience effacee

Sa conscience ebranlée

Sa conscience inebranlee

Sa conscience forte d’elle-même

Sa conscience inconsciente

Sa conscience constante

A tout début il y a un devenir

Mais serons nous capable

D’en dérouler les étapes

Dans le calme , la sérénité et la clairvoyance ?


Ma Tunisie

La route vers la DEMOCRATIE est encore pavée de mauvaises intentions mais on y croit !
Les derniers évènements nous ont révélés à nous-mêmes :
La solidarité à laquelle nous n’y croyons plus a ressurgi
La fierté à laquelle nous n’y croyons plus a ressurgi
Le courage qui nous a longtemps désertés a ressurgi
La liberté de penser s’est muée en liberté d’expression
Je connais beaucoup de tunisiens qui rêvaient à un meilleur ailleurs
Cet ailleurs est désormais chez nous ! Ne le rêvons plus, construisons le !
Il a commencé à se construire sur un « DEGAGE » et il continuera à se construire sur DES GAGES
Nous demand
erons des gages à ce nouveau gouvernement de transition et nous devons les obtenir !
Forts de notre citoyenneté reconquise , ne nous laissons pas aller aux palabres et agissons !
Chacun de nous porte en lui une part d’espoir, de vérité, d’intelligence et d’énergie créatrice
Si nous en faisons la somme , nous serons riches de mille et une belles idées, de mille et une belles actions.
Alors ne gâchons pas ces richesses à s’invectiver , à se disperser, à s’humilier et à se juger
Soyons unis dans notre diversité et reconsiderons le pas franchi en une semaine !
Une semaine où nous nous sommes ligués d’une seule voix contre une lourde oppression
Et que nous avons chassé sans ménagement . Continuons ce bel effort pour une reconstruction politique durable,
Une reconstruction economique solide, une reconstruction sociale égalitaire , une reconstruction democratique exemplaire

Un peu d'histoire :De l'éducation des filles en Tunisie

L'école MILLET
En 1900, dans la médina de Tunis, une école pour filles musulmanes ouvrit discrètement ses portes. Portant le nom de sa bienfaitrice française, l’école Louise-Renée Millet fit face à nombreux obstacles : manque de fonds, opposition de la part du clergé musulman conservateur, méfiance des parents musulmans du quartier où était implantée l’école, et difficulté à appliquer aux élèves un programme d’études et de discipline rigoureux.
Mais d’autres obstacles surgirent. Sur le plan politique, l’année 1900 n’était pas le moment opportun pour créer une école pour les enfants indigènes en Tunisie. Certains représentants officiels du Protectorat aux idées libérales, tel Louis Machuel, responsable de la Directition de l’Enseignement Général depuis 1883, souhaitaient offrir à la jeunesse tunisienne une éducation moderne. Mais les colons exigèrent que la ségrégation soit appliquée dans les écoles, parce que « les enfants du pays n’étaient prêts intellectuellement » qu’à recevoir une formation rudimentaire. Peu de jeunes musulmanes fréquentaient les écoles françaises ou encore celles des missionnaires ; la grande majorité restait non scolarisée ou était guidée vers une éducation technique, particulièrement vers les ouvroirs.
L’argument des adversaires d’une éducation moderne pour les garçons et les filles du pays était identique à celui donné dans les autres colonies : le besoin d’une main d’œuvre docile non spécialisée. Le journal des colons, La Tunisie Française, fit observer en 1912 : « …à quoi bon alors avoir construit cette école [de jeunes filles musulmanes] et dépensé 150.000 francs environ qui auraient été plus utiles ailleurs ».
Dans d’autres numéros de ce même journal, l’idée que les pires ennemis de la France étaient les jeunes bourgeois tunisiens éduqués dans les écoles françaises ou franco-arabes transparait fréquemment.
À partir de 1890, les articles de La Tunisie Française révèlèrent une autre crainte : la perception en Tunisie d’un « péril italien » croissant. En effet, de 1881 jusqu’à l’orée de la Deuxième Guerre mondiale, une guerre froide franco-italienne eut lieu pour le contrôle du pays. Le champ de bataille le plus meurtrier fut la cour des écoles. Cette forme de guerre froide, culturelle a, par moment, permis aux réformateurs tunisiens, aux familles musulmanes désireuses d’éduquer leurs enfants et aux pédagogues français libéraux de développer une instruction moderne pour les filles et les garçons indigènes. Mais à d’autres moments, cette lutte acharnée entre La France et l’Italie a limité les possibilités et le champ d’action pour l’émancipation des filles et des femmes par la voie de l’éducation.

2Malgré tout, l’école Louise-Renée Millet a survécu et prospéré. Elle existe encore de nos jours, rue du pacha, où elle se trouve depuis 1912. L’école primaire fut en 1945 transformée en collège, puis en lycée de jeunes filles. L’école forma non seulement la première femme médecin musulmane du Maghreb, mais aussi les épouses de nombreux nationalistes tunisiens. Pendant ce temps, les officiels français en Tunisie et les réformateurs sociaux en France, faisaient l’éloge de l’école Millet, symbole du colonialisme éclairé.

Cet établissement, une des premières écoles primaires académiques pour les filles indigènes de « la plus grande France », devint attractif par ses programmes – l’Islam réformateur, la puériculture, l’hygiène sociale, la sauvegarde culturelle, l’Alliance française, etc. – bien au-delà de la Tunisie, de l’Afrique du Nord ou même de la France. Dans les rues de la médina, l’histoire de France, de l’Europe, et des Européens établis en Afrique du Nord se croisa avec l’histoire des musulmans, des juifs tunisiens et celle du monde arabe.

3L’éducation n’est jamais une entreprise innocente, encore moins dans le cadre impérialiste où l’Etat colonial chercha toujours à former et co-opter, par la voie de la scolarisation moderne, une poignée d’indigènes « évolués ». Nous proposons içi quatre hypothèses. La première est d’ordre méthodologique : un modeste établissement pour jeunes filles peut servir à explorer des problématiques plus vastes sur les femmes et le genre de l’Etat-nation et de l’empire. Ensuite, la question de l’instruction des filles tunisiennes est traitée comme un enjeu dans des conflits au niveau de l’Etat, ou plutôt de plusieurs Etats concurrents. Autour de 1900, en Tunisie, trois Etats ou pouvoirs se battaient pour la maîtrise du pays : l’ancien pouvoir du Bey, le protectorat français, et un « micro » Etat italien. Ainsi l’école Millet fut partie prenante de luttes et de controverses locales autant que de grands projets impérialistes. Cette “imbrication” produisit des débats, non seulement sur le rôle des femmes dans des sociétés arabo-musulmanes soumises à la France, mais aussi sur les « devoirs » des Françaises venues de métropole, voire sur la formation propice aux « petites Parisiennes », comme citoyennes de « la plus grande France ». Certaines colonies françaises ont ainsi été utilisées comme des laboratoires de réforme sociale : l’éducation des femmes indigènes est dans ce cas. Mais ces programmes de réformes, conçus dans la métropole, ne furent pas simplement « décalqués » sur une société soumise et inerte. La dernière hypothèse examine la position de Fançaises expatriées dans des colonies où leur était assigné de nouvelles fonctions, originales. Privées du droit de vote en France et ainsi reléguées aux marges du politique, certaines Françaises, comme Charlotte Eigenschenck, agirent comme de véritables ambassadrices culturelles, intermédiaires entre colonisateurs et colonisés.

Julia Clancy Smith

à suivre